1. Une vie de chien

J’ai une bien jolie maîtresse ; elle a de longs cheveux noirs enroulés en un savant édifice en spirale, un air mutin et espiègle, des yeux pétillants, une peau ambrée et veloutée, de longues jambes qui lui donnent une démarche souple et balancée de créole : car elle est martiniquaise et c’est pour moi un ravissement infini que de contempler à longueur de journée ses allées et venues dans son coquet appartement de la baie de Cannes.

Elle est ravissante, très féminine avec ses bouderies et ses explosions de joie. Je l’adore et ne vis que pour elle. Mais je suis affreusement vexé parce qu’elle m’appelle AZOR. Un vrai nom de chien ! Evidemment avec mon pelage bouclé, mon museau allongé, mes quatre pattes et ma queue qui frétille sans arrêt ; elle est excusable de me prendre pour un vulgaire cabot. Pourtant… mais je ne sais si je dois avouer la vérité.

En ce temps-là, vivait tout près d’ici, sur les collines de Cézaire, un vieil hermite humble et doux. Il n’avait d’autre famille qu’une petite fille nommée Escragna, affectueuse et attentionnée. Elle était toute la raison de vivre du vieillard. Très pieuse, elle confectionnait tous les jours, des guirlandes de fleurs qu’elle allait offrir respectueusement à la statue de Calliope. Elle avait une grande vénération pour cette divine effigie, sculptée dans un tronc d’olivier par un berger fort habile.

Le jour de ses quinze ans, Escragna se rendit à la grotte qui abritait l’icône vénérée afin de rendre grâces à la muse de la poésie.

C’est alors que les lèvres de la statue se mirent à bouger et qu’une voix se fit entendre.

« Ta piétié et ton affection sont depuis plusieurs années une grande joie pour moi ; puisque aujourd’hui, tu atteins l’âge de femme, je désire te récompenser et je suis prête à exaucer le vœu que tu voudras bien formuler. »

La charmante enfant eut un geste d’effroi et de surprise ; elle se serait enfuie si la voix douce et agréable de la déesse ne l’avait rassurée.

Après quelques instants de réflexion, elle répondit :

« Je voudrais que tu me fasses don de l’éloquence habile, de l’imagination féconde et du redoutable pouvoir de persuasion qui sont les tiens afin que je puisse chanter le site merveilleux qui m’entoure.»

A ce moment, le murmure d’une source se fit entendre et Escragna vit jaillir un frais ruisselet, qui, se faufilant entre les rocailles, se mit à courir le long des pentes de la colline.

La déesse s’exprima à nouveau :

« Cette source s’appellera le Sian; il te suffira d’écouter le chant de ce ruisseau pour comprendre le langage de la nature et celui des oiseaux. Simple ou ampathique, pénétrante ou caressante, fougueuse ou subtile, la musique de tes vers emplira d’extase ceux qui auront le bonheur de l’entendre. »

C’est pourquoi, dès le lendemain, Escragna récitait aux fleurs et aux passereaux, des rimes merveilleuses d’une tendre sonorité et d’une pathétique beauté.

Si les fleurs surent être discrètes, il n’en fut pas de même pour les oiseaux ; ils mêlèrent à leur concert les chants de la jeune fille. Aussi toute l’Olympe ne tarda guère à savoir qu’une adorable vierge habitait les AIpes d’Azur et qu’elle dépassait en charme et en poésie les muses les plus célèbres.

C’est alors que les ennuis commencèrent pour moi, Carpidon.

Au fait, j’avais oublié de me présenter : je suis le frère jumeau de Cupidon. Ne prenez pas cet air étonné ; je sais qu’en cinq mille ans les humains m’ont pratiquement oublié.

Toutefois, ma gloire était bien plus grande que celle de mon frère, puisque j’étais chargé de favoriser les Amours des Dieux.

C’est à ce titre que Jupiter me demanda d’étudier le meilleur moyen de séduire Escragna. J’étais très fier d’obéir au Maître de l’Olympe.

Je me déguisais en voyageur hellénique pour aborder l’adolescente. Elle me récita aimablement ses poèmes, auxquels je pris grand intérêt, je sus gagner sa confiance en quelques jours. Hypocritement, je fis des vœux pour qu’elle connut en Amour, autant de satisfaction qu’en poésie.

« C’est, me dit-elle, un souci que je n’ai point encore. Pourtant, si je devais épouser un jeune homme, j’aimerais que ce fut le jeune berger qui a sculpté Calliope. Je lui dois en effet tout mon bonheur. »

Ce fut donc un jeu pour moi d’aviser Jupiter des vœux de la tendre nymphe.

Il prit la forme et les vêtements du jeune sculpteur et m’accompagna auprès de l’adorable poétesse. La ruse réussit à merveille et la jeune fille s’abandonna au charme de son séducteur.

Il faut être discret sur ses victoires ! Si j’avais su appliquer ce bon principe, je serais toujours le petit Amour joufflu et ailé qui passait des heures délicieuses à mettre le trouble dans les cœurs des Dieux.

Malheureusement, j’avais un petit côté vantard et je ne pus résister au plaisir de raconter dans l’Olympe les débats passionnés de Jupiter et d’Escragna.

Et, tandis que je donnais force détails, je remarquais l’air gêné et silencieux de mes interlocuteurs, d’habitude exubérants et braillards !

Je me retournais et m’aperçus que Junon, l’austère épouse du Divin Maître, se trouvait derrière moi et écoutait mes fanfaronnades avec beaucoup d’intérêt !

Lorsque Jupiter revint, ce fut un beau scandale dont l’aéropage divin garde encore un frémissant souvenir ! L’irascible Junon était particulièrement horrifiée par les frasques honteuses de son époux. Un déluge de reproches cinglants accabla le coupable qui ne trouva d’autre solution que de nier mes assertions !

« Vraiment, demanda la perfide Déesse, tu prétends que Carpidon a menti ?»

« Absolument, plaida lâchement Jupiter ;

Tout cela est complètement faux. Je suis, innocent ; tu dois avoir confiance en ton époux et croire en sa parole !»

« Dans ce cas, répondit Junon, tu ne dois pas laisser impuni ton vil calomniateur.

Certes, rétorqua le coupable, prêt à me trahir pour mettre la paix dans son ménage. »

« C’est pourquoi je propose que Carpidon soit changé en chien et qu’il soit envoyé sur terre cinq mille ans afin de contrarier les Amours des humains. Cette inversion de rôle sera pour lui une excellente punition ! »

J’étais un allié trop précieux à Jupiter ; il essaya bien de prétexter que la peine était trop sévère, mais l’inflexible Junon se montra intraitable et je fus condamné à expier mon impudence.

C’est pourquoi, depuis 4999 Ans et cinquante et une semaine, je mène une vie de chien…

Mon nouveau rôle n’est pas reluisant ! Je dois empêcher les Amours humaines de se dérouler sereinement. Je sème la calomnie, la brouille entre les familles, la suspicion entre les Amants, la jalousie perfide, le doute empoisonne.

Je me délecte à enflammer le cœur des jeunes filles pour les soldats qui partent à la guerre ou pour des hommes déjà nantis d’épouse. Je mêle la vénalité et l’hypocrisie aux purs sentiments ; bref, je fais un métier peu édifiant !

Je connais la gloire malgré tout car je suis à l’origine de toutes les grandes tragédies :

Oreste et Hermione, Roméo et Juliette, Rodrigue et Chimène sont mes œuvres.

J’adore m’attacher aux créoles qui sont des femmes sensuelles et perverses. Le nombre imposant de leurs amoureux me permet de susciter des intrigues compliquées occasionnant discordes et drames.

C’est ainsi que lorsque j’étais le « Bichon chéri » de Joséphine, je pus mordre le mollet de Napoléon pendant toute sa nuit de noces. Le pauvre Général ne put mener son attaque aussi hardiment que sur les champs de bataille. Le grand homme devait conserver en plus d’une morsure inesthétique, un désagréable souvenir de ses épousailles. Il voulut bien m’attraper par la peau du dos et m’expulser honteusement, mais la tendre Joséphine réprouva ses velléités cruelles et barbares et je pus continuer à mon aise mes agacements.

Aujourd’hui, j’ai presque terminé ma carrière terrestre, c’est pourquoi je vais vous dévoiler la place qu’occupe l’élégant toutou dans la vie d’une jolie femme.

Cet après-midi, après m’avoir pomponné, Ghilsa, ma dernière maîtresse m’emmène à la promenade. Je trottine, d’un air important entre les massifs de fleurs de la Croisette : j’ai horreur de renifler les autres chiens : ils sentent mauvais ! mais je ne peux résister au plaisir de lever la patte contre les lampadaires. D’un air innocent, je conduis Ghilsa vers un promeneur à carrure sportive qui tient en laisse un ridicule basset. Je fais semblant de m’intéresser à cet affreux animal. La ruse est toujours efficace. L’homme profite de l’aubaine pour lier conversation avec la jeune femme qui juge nécessaire de déployer tous ses charmes. La suite, je la connais déjà : nous irons diner dans un restaurant à la mode, puis danser dans un cabaret où je vais m’ennuyer à mourir. Pour passer le temps, je m’amuserai à accoupler les danseuses romantiques amatrices de tangos avec les passionnés de rythmes sauvages et désarticulés ! Je ferais inviter les ingénues par les mauvais garçons et les affranchies par des séminaristes en goguette.

Après une soirée agitée, nous rentrerons enfin à la maison, accompagnés du chevalier servant qui vient prendre un « dernier verre ». Je tombe de fatigue, mais ce n’est pas le moment de m’endormir parce que le spectacle en vaut la peine.

Au cours d’un assaut de propos galants et rieurs, Ghisla abandonne l’un après l’autre ses vêtements. Aujourd’hui, elle a eu l’audace de mettre des dessous intimes en dentelles transparentes ; ses seins fermes et volumineux dardent leur pointe brune délicatement écrasée par l’étoffe plus légère qu’un voile. La toison frisée de son ventre apparaît par les fleurs découpées dans la dentelle du slip ; ses lèvres intimes font un double bourrelet noir et humide que la main passionnée de son partenaire caresse déjà.

J’en profite pour aboyer insolemment.

L’homme que je croyais d’une douceur raffinée se précipite sur moi, m’attrape par la peau du dos, se dirige vers une porte et me jette sans ménagement dans un placard.

Je ne pourrais donc pas vous raconter la suite et je n’en suis pas fâché car je dois vous dire que je suis jaloux de ma maîtresse.

C’est pourquoi je perturbe si volontiers ses doux ébats. J’entends malgré tout des râles de plaisir qui me transpercent le cœur. Alors je m’étends sur le sol et je mets mes pattes sur les oreilles avant de m’endormir.

Tout à coup, un épouvantable vacarme me réveille ; des coups sont frappés à la porte tandis que la sonnette retentit :

« J’entends une grosse voix d’homme qui hurle plus qu’elle ne susurre. « Ghilsa, ma chérie, ouvre vite à ton gros loup, c’est moi, Auguste ; j’ai pu abréger mon voyage et je vole vers toi. »

Auguste est presque l’époux de Ghisla ; il est très changeant et volage. Son voyage d’affaires était en réalité une aventure dont je l’ai vite lassé par une petite recette bien à moi. J’ignorais toutefois qu’il reviendrait si vite mais c’est très bien ainsi, nous allons nous amuser follement ; car il a une confiance aveugle en la fidélité de sa compagne. La porte du débarras s’ouvre prestement, des vêtements me tombent sur la tête ; lorsque je me dégage, je m’aperçois que je suis enfermé avec l’élégant sportif de la Croisette.

Auguste est maintenant dans la chambre ; je l’entends : « Mon Amour, si tu savais combien tu m’as manqué pendant ces quelques jours. J’avais une envie folle de te serrer dans mes bras, de mordiller ton corps adorable, de respirer ton parfum, de m’enivrer de ton odeur de femme ».

Tandis que Ghisla répond : « Comme je te comprends mon Chéri ; moi-même, je n’arrivais pas à trouver le sommeil ; je ne cessais de me retourner toutes les nuits caressant désespérément ta place vide ; je me frottais contre les draps cherchant avidement le contact de ta virilité ; tu ne peux pas savoir combien cette absence est atroce à mes sens. »

Quelle bande d’hypocrites ! Je vous assure que je n’ai pas beaucoup à faire. Ils se plaisent dans les situations fausses, compliquées et absurdes ! Maintenant ils sont en train de se caresser et de se jurer un Amour éternel !

C’est beaucoup trop beau, il faut que je fasse un petit coup bien à moi !

Je profite de ce que le bellâtre de la promenade m’ait marché sur la patte pour le mordre au sang. Il pousse un cri qui fait plaisir à entendre ; je parle pour moi car dans la chambre, je devine Auguste, plutôt désagréablement surpris ! Il se précipite vers le réduit dont il extirpe son rival !

Ah, quel beau pugilat ! C’est autre chose qu’à la télévision ; les coups pleuvent pour de bon ; les plaies et les bosses s’accumulent ; la clémence d’Auguste’ est un vain mot ; il cogne de bon cœur ! Malgré la forte carrure de son rival, il l’assomme proprement et le jette tout nu sur le palier. Les voisins ahuris et à moitié endormis viennent voir le spectacle ; les deux vieilles filles du troisième étage semblent particulièrement intéressées ; elles s’apitoient sur le sort du malheureux et le traînant chez elles afin de le panser et le réconforter. Dommage, j’aurais préféré que Police Secours s’en occupe !

Maintenant, c’est le moment pénible des explications des larmes et du pardon entre Ghisla et Auguste. Tout cela ne m’intéresse pas je vais me coucher, le cœur content après une journée bien remplie. Le lendemain, c’est le petit déjeuner à la grimace.

Auguste, qui a oublié les bons moments de jouissance et les instants délectables, ne se souvient que de la trahison de sa compagne. Mes yeux pétillent de joie ; le plaisir de la vengeance coule en moi comme un miel suave. J’ai un mal de chien à empêcher ma queue de frétiller ! Je sens votre curiosité en éveil ; vous voudriez que je vous dise les mots qu’ils emploient, les gestes qu’ils font ; eh bien, je ne peux pas ; d’abord, à cause de la censure et parce que je suis un chien bien élevé, mais surtout parce que je suis trop occupé à savourer mon perfide bien-être !

Je puis malgré tout vous dire que le ton monte ; après les allusions malveillantes ; les reproches acides, puis les leçons de morale, le salon résonne d’insultes, de cris et de gros mots ! Les tasses volent, les injures fusent, les coups pleuvent. C’est le moment dramatique des séparations ; Auguste fait sa valise et s’en va, très digne en disant :

« Tu me regretteras, petite grue !

« Sors d’ici, que je ne te revoie plus, vieux crapaud ! »

 » Tu ne me verras plus, ni moi, ni mon argent. »

A l’énoncé de cette triste évidence, le visage de Ghisla se rembrunit ; les hommes généreux sont moins aussi rares que les femmes désintéressées. Elle comprend qu’il lui sera difficile de trouver un autre banquier. Alors, dans un de ces brusques revirement qui caractérisent les femmes, elle s’accroche à lui :

« Ne m’abandonne pas, Auguste, tu sais que je n’aime que toi. Je te demande pardon à genoux pour ma folie d’hier. Je ne savais pas ce que je faisais. Cet homme a dû m’hypnotiser ou me faire avaler une poudre magique; j’ai été violée (là, elle exagère) ».

Auguste qui était sur le point de se laisser fléchir, éclate de rire, l’effet est manqué !

« Oui, je t’assure, j’ai été violée ; il s’est emparé de mon corps par un stratagème diabolique ; je ne pouvais pas lui résister ; je n’étais plus maîtresse de moi-même ».

« Maîtresse de toi, non, mais de cet individu, oui, ne peut s’empêcher de couper Auguste qui a un faible pour les calembours stupides ! »

« Tu es un crétin, rugit Ghisla ; je me demande comment j’ai pu m’abaisser à te supplier. »

« Parce que tu es veule et lâche ; confidence pour confidence : j’adore ton joli corps et je serais resté avec toi si je n’avais fait hier, une adorable connaissance. Aussi, comme je n’ai plus besoin de toi, je puis me permettre le luxe de te laisser en te disant en plus que tu es un écœurant personnage ! » A ces mots, Ghilsa se saisit du premier objet à portée de sa main et le lança violemment vers Auguste. Peine triplement perdue, le vase en cristal de Murano manque son destinataire et brise une superbe statue ! Le patrimoine artistique de ma maitresse diminue inutilement.

Après le départ d’Auguste, Ghisla fait des prouesses de séduction pour ramener dans ses filets, le bellâtre de la veille. Il lui répond platement qu’il a déjà une épouse charmante à la maison.

Alors Ghisla fait le tour de ses amis avec lesquels elle se montre câline et enjouée ; ce fut en vain ! Elle semblait tout à coup vouée au célibat !

Après quelques jours de tentatives infructueuses, je fus le témoin attendri de son profond désarroi. Sublime, elle poussa jusqu’à me confier : « Je te jure, Azor, le prochain homme que j’aimerai, j’en ferai mon mari et je lui serai fidèle jusqu’à ma mort. »

Je fus tout bouleversé par le ton pathétique de sa voix ; mais elle sut faire mieux : elle arriva à me tirer des larmes en me prenant pour témoin de ses honorables projets.

« Mon pauvre Azor, si je trouve un mari, je serai pour lui la plus attentive des épouses, aimable, coquette, souriante, attentionnée et voluptueuse. » Comme je clignais de l’œil, elle ajouta :

« Je sais, c’est dans mon tempérament et je ne ferai aucun effort pour être vêtue à la dernière mode, mais surtout, je le dorloterai, mon petit mari, je le gâterai, je lui préparerai des bons petits plats, je lui porterai le déjeuner au lit, je le bichonnerai » ; il sera heureux comme un coq en pâte. Le soir, je saurais être impudique et luxurieuse comme une courtisane, fraîche et naïve comme une jeune fille, caressante et sensuelle comme une chatte. »

J’ai préféré ne pas écouter la suite et partir.

Oui, je suis définitivement parti sans dire aurevoir. C’était le dernier jour de mon passage terrestre, alors j’ai repris le chemin de l’Olympe sans cérémonie.

L’accueil n’a pas été délirant. Jupiter a fait semblant de ne pas me reconnaître et Junon a pris sa mine de dégoût des mauvais jours.

Même mon propre frère Cupidon s’est montré renfrogne. En cinq mille ans, il s’est taillé une belle réputation et maintenant il renâcle à la partager ; et tout à coup, j’ai senti un petit pincement au cœur. J’ai repensé à Ghisla, à ses yeux malicieux, à son corps superbe ; je me suis remémoré son alléchant programme pour séduire, l’époux de sa vie et voilà : je suis amoureux, amoureux fou comme un collégien ; j’ai envie de cette femme, de sa présence, de son parfum, de son contact, de son rire.

Je jette un coup d’œil à mon frère Cupidon, ce petit monstre resserre son arc dans son carquois ; c’est lui qui vient de me décocher un de ses traits perfides. Je vais le massacrer ce petit impertinent ! Comment a-t-il osé me faire une farce pareille ? Il a certainement voulu se débarrasser de moi.

Réflexion faite puisqu’ils y tiennent tous, autant repartir de l’Olympe. J’en glisse un mot à Jupiter qui prend une mine déconfite !

Quel comédien ! Il m’autorise à me transformer en humain.

Me voilà de nouveau sur la Croisette. Je suis un élégant jeune homme, beau comme un Dieu et pour cause…

Les femmes me dévisagent de leur regard pétillant de malice. J’ai en laisse un beau petit chien au pelage bouclé et au museau allongé, exactement mon ex-portrait terrestre, et voilà que Ghisla s’approche de moi  et s’esclaffe :

« Oh ! mon pauvre Azor; où l’avez-vous trouvé ? »

« Ce chien s’appelle Riki, Mademoiselle et il m’appartient. » La conversation est engagée. Ghisla me regarde avec intérêt ; mon affaire est en bonne voie ! J’entends le léger sifflement d’un trait décoché par mon frère Cupidon.

Ghisla tressaille. Il est inutile que je vous raconte la suite…

Mon histoire se termine dans la plus banale moralité ;

J’avais une jolie maîtresse et je l’ai épousée.

Je suis maintenant un mari comblé et choyé et je ne suis pas prêt de retourner dans l’Olympe. Croyez-moi, le soleil de Cannes et une jolie femme, c’est cela le Paradis.

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